Château Subercaze

Massif et inquiétant, au fur et à mesure que j’avance en direction de ce château abandonné, je stresse à l’idée de me retrouver à l’intérieur de la demeure, peut être parce que nous sommes à la tombée de la nuit, ce qui rend le cadre assez effrayant. Impossible pour moi de me détacher du drame qui s’est déroulé ici tant cette histoire m’a marqué lorsque je m’y suis intéressé en lisant bon nombre de livres traitant de cette affaire émouvante.


Ici, perdus dans cette France rurale, vivaient Elisabeth et son père, cette petite fille n’avait jamais eu la chance de connaitre sa mère décédée d’un cancer quelques jours après sa naissance. Loin des jours heureux, elle passait son temps à aider son père à la ferme attenante au château. Une occupation à plein temps au détriment de sa scolarité, son paternel n’avait pas d’autres solutions n’ayant pas les moyens de payer de la main d’oeuvre pour l’aider à la tâche. L’homme rustre n’avait que rarement des gestes de tendresse envers sa fille, veuf, il s’était depuis le décès de sa femme complètement renfermé sur lui-même.


Pourtant, malgré sa froideur, Elisabeth a toujours admiré son père, elle l’aimait au plus profond d’elle, peut être parce qu’elle n’avait que lui dans sa vie. Strictement aucune distraction, pas de télévision et seulement quelques jouets défraîchis, une vieille corde à sauter et quelques poupées en mauvais état, pas de quoi se construire une enfance heureuse. En guise d’occupation le soir avant de se coucher, elle avait pris gout à fouiner dans cette grande bibliothèque poussiéreuse à la recherche de livres médicaux. Elle dévorait ça comme une bande dessinée, totalement captivée par le corps humain et ses mystères.


Lorsqu’elle trouvait aux abords de la ferme des animaux errants en souffrance, elle n’hésitait pas à les récupérer pour tenter de les soigner. Appliquée, elle pouvait passer des jours et des jours à essayer de refaire voler un oiseau souvent sans efficacité.


A l’âge de dix ans, son savoir scientifique d’autodidacte fut mis à l’épreuve lorsqu’elle observa avec tristesse la détérioration de l’état de santé de son père. Fragilisé par la pénibilité de son travail, il devait chaque jour affronter des courbatures de plus en plus handicapantes. Des douleurs extrêmes avec poussées de fièvre et autres maux de tête. Malgré l’insistance de sa fille pour qu’il aille consulter, il refusa constamment par peur d’un diagnostic dramatique, mieux valait faire l’autruche que d’entendre une dure vérité.


Elisabeth en détresse ne supportait pas de voir la seule personne avec qui elle partageait son existence en train de dépérir. L’idée même de finir en orphelinat lui causait chaque soir des insomnies et des sueurs froides. Elle faisait en sorte de travailler encore plus à la ferme en évitant le plus possible que son père ne s’épuise. Ce grand gaillard n’était plus que l’ombre de lui même.


« Papa ! Papa s’il te plait, soigne toi, va voir le docteur, j’ai peur, je ne veux pas te perdre ! Papa écoute moi ! Fais le pour moi ! Je t’aime Papa ! »

Des larmes, des mots, qui n’eurent aucune efficacité, son destin s’assombrissait de jour en jour. Pour tenter de sauver son père, elle eut l’idée de se replonger activement dans ses livres médicaux pour tenter de mettre un mot sur tous ses symptômes afin de le guérir. Improvisant toute sorte de remèdes miracles en consultant un recueil de phytothérapie, elle partait en vélo à quelques kilomètres de son domicile pour cueillir diverses plantes et autres champignons pour concocter un antidote. Une mixture improvisée qu’elle déversait en cachette dans ses plats cuisinés.


Des jours de traitement qui n’eurent pas l’effet escompté. Son père vomissait régulièrement et avait des boutons purulents sur tout son corps. De retour affolée dans la forêt pour cueillir d’autres plantes et concocter une autre potion, son état se dégradait gravement de jour en jour. L’homme n’avait même plus la force de se lever du lit, victime de grosses diarrhées, il était allongé dans ses excréments sans pouvoir s’en évader. Il n’avait de cesse de demander à sa fille d’appeler les urgences mais elle ne voulait pas, Elisabeth avait trop peur qu’on mette en évidence sa culpabilité. La peur de se faire gronder était trop grande.


Malgré tout, elle continuait à lui faire ingérer diverses plantes ce qui eut comme conséquence d’aggraver toujours plus son état. L’odeur dans le château était insoutenable, c’était une véritable station d’épuration. Dégoûtée par toute cette merde, il lui était impossible de nettoyer son père, elle ne pouvait même plus s’en approcher. Elisabeth s’en voulait beaucoup d’avoir raté son traitement maison et acceptait difficilement d’en payer les conséquences.


Las de voir son père baignant dans sa merde, elle décida sans état d’âme de s’approcher de lui un grand couteau à la main pour le décapiter. Un geste exécuté avec difficulté, elle dut s’y prendre à plusieurs reprises avant d’avoir cette tête extraite dans les mains.


Marchant dans les rues du village avec son couteau ensanglanté, elle cria en direction des personnes qu’elle croisait « Tu veux que je te soigne ? ». Elle fut vite appréhendée et son crime ignoble découvert. Son jeune âge lui exclut une peine carcérale mais elle fut tout de même internée pendant quelques années dans un établissement spécialité. Aux dernières nouvelles, Elisabeth est devenue depuis chirurgienne dans un grand hôpital du Massachusetts aux Etats-Unis, son père serait très fier d’elle, une histoire qui finit bien.


A l’intérieur du château, le manque de luminosité rend le lieu sinistre, le courant d’air apporte une ambiance musicale bien appropriée à l’atmosphère. Peu de choses à photographier, seul ce bel escalier en bois attira mon attention. Ici posés sur un meuble, quelques fragments de crâne d’animal, peut être appartenaient-ils à Elisabeth ? Fruit de ses expériences ? Mystère.

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L’histoire que vous venez de lire est totalement inventée, c’est une fiction écrite pour préserver la véritable identité du lieu.


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