Dans l’Urbex, le but absolu est de se plonger dans un passé révolu, s’abandonner au milieu d’un monde au temps suspendu, voir et admirer cette nature reprenant ses droits, envahir la désaffectation petit à petit, engloutir littéralement les traces humaines. Artistiquement parlant, l’explorateur est animé par cette envie d’immortaliser la rouille, la moisissure, les champignons, l’humidité, autant d’éléments qui subliment un lieu abandonné. Pénétrer dans un hôtel désaffecté et découvrir une literie recouverte d’herbe est quelque chose de sublime, pourriture divine.
Force est de constater qu’avec la démocratisation de la pratique de l’Urbex, la décrépitude n’est manifestement plus un critère indispensable à l’exploration artistique. Que ça soit à travers des photographies ou des vidéos, l’exploration urbaine est dorénavant majoritairement représentée par des lieux trop propres, trop rangés, trop impeccables d’où la question que posent les gens en boucle « C’est vraiment abandonné ? On dirait pas ! Comment les gens peuvent abandonner autant de choses ? ».
Ce genre de spots que je qualifie de « Century 21 » tant les reportages photos ressemblent à s’y méprendre à une visite guidée d’un agent immobilier. Rien ne ressort de ces photos, ni ambiance, ni intérêt, le seul attrait réside à faire baver les brocanteurs et antiquaires. À n’en pas douter pour beaucoup d’explorateurs, la valeur d’un spot est en corrélation direct avec sa valeur marchande matérielle.
J’ai par expérience surtout au début exploré pas mal de lieux de ce type sans y prendre une once de plaisir, le sentiment de malaise ne me quittant jamais. Ce que j’immortalise, je peux le faire autant dans un musée ou dans la résidence secondaire de ma grand-mère, l’adrénaline n’est effectivement pas la même.
Difficile en même temps d’en vouloir à ces explorateurs « du propre », à l’heure de l’instantané et de l’ère du fastfood-urbex où les spots sont échangés à profusion entre urbexeurs du monde entier, impossible pour dame nature de prendre place dans ces lieux « oubliés » tant ils sont piétinés et habités éphémèrement. Pas le temps de s’apitoyer sur une vieille dame qui vient de mourir ou sur une usine liquidée pour aller sur les lieux dès le lendemain, les états d’âme c’est surfait. Les yeux sur le compteur à exploration, toujours plus, toujours plus grand, toujours plus incroyable, il faut bien alimenter sa page Facebook et Instagram pour être toujours dans la tendance du milieu.
Attendre qu’un lieu pourrisse naturellement c’est toujours prendre le risque qu’il soit vandalisé et pillé avant que surgisse quelques ronces sur une fenêtre, difficile équation. Ce qui est bien désolant c’est de voir et constater que les spectateurs de cette pratique sont beaucoup plus ébahis par des spots reluisants que par la saleté et la mauvaise odeur que font transparaître des endroits bien craspèques.
J’ai posé cette question sur Urbex Social sur la préférence que peuvent avoir les explorateurs entre ces deux types d’ambiance « Propre » ou « Dégueulasse », vous pouvez voir une tendance après quelques votes avec la capture ci-dessous :
Si vous souhaitez donner votre avis et participer aux votes, c’est sur le forum Urbex Social que ça se passe : https://urbexsocial.com/viewtopic.php?f=61&t=2006
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