Christian Barthes a été le directeur de cet établissement renommé, l’Hôtel des Soeurs Papin. Déjà trente ans qu’il dirigeait d’une main de maître ce lieu de villégiature des Midi-Pyrénées. Un endroit de standing proposant diverses activités mais aussi l’accueil de séminaires d’entreprise, c’était un hôtel important pour la ville car il générait de nombreux emplois et faisait prospérer le tourisme dans le coin. Une réussite qui pouvait créer des convoitises, des jalousies voire pire.


Depuis quelques temps déjà, Christian recevait des lettres anonymes, elles étaient pleines de mystères car ce n’était jamais des menaces directes mais des intimidations très subtiles. Le rituel était toujours le même, une feuille blanche imprimée avec marqué « Bonjour » et une photo en pièce jointe. Les photographies étaient toujours inquiétantes, c’était les membres de sa famille et lui même qui étaient visés à chaque fois. Ces photos étaient prises à leur insu, individuellement, dans la rue, au supermarché, avec systématiquement leurs jambes qui étaient hachurées au feutre rouge ou tailladées aux ciseaux. Deux de ses enfants, sa femme et sa mère avaient déjà été victimes de ces montages photos.


Quotidiennement Christian vivait avec une pression énorme, se sentant observé, soupçonnant la moindre personne à en devenir paranoïaque, il angoissait terriblement. Déjà des mois que la situation perdurait avec une dizaine de lettres envoyées. Il décida de porter plainte le jour où il reçut un colis avec à l’intérieur une poupée sans les jambes et écrit dessus « Bonjour ». La gendarmerie procéda à diverses vérifications comme l’analyse des lettres à l’aide d’un graphologue qui compara l’écriture des lettres avec celles de son entourage sans que ça puisse déboucher sur la moindre piste.


Le 10 août 2006, l’hôtel reçut la visite d’une personne qui devait vérifier de fond en comble l’accessibilité et les services proposés aux handicapés physiques permettant de recevoir un agrément officiel, ce qui était très important pour élargir encore un peu plus sa clientèle. L’homme qui arriva était en fauteuil roulant, tétraplégique lui même, il devait passer toute une journée et la nuit à l’hôtel pour juger de ce qui était conforme ou pas. Christian était aux petits soins avec lui, ce rendez vous était important et il devait le contenter coûte que coûte. Vincent déclara être un client test pour une association de tétraplégique qui notait tous les hôtels de France, un travail et des vacances à la fois en somme.


Tout de suite une bonne entente s’installa entre les deux hommes, ils profitèrent de la piscine extérieure, de la visite complète de l’hôtel et du domaine. Christian se proposa même de l’emmener en voiture pour lui faire visiter les alentours, tout était fait en bonne et due forme pour séduire Vincent et obtenir ce fameux agrément.


Le soir ils discutèrent de leur vie autour d’un repas et Vincent raconta comment il était devenu handicapé après avoir chuté en escaladant une falaise, la tétraplégie fut une addition plutôt douce par rapport à une mort certaine au vu de la hauteur de la chute. Il parla de son quotidien, de sa vie brisée, de ses rêves envolés et de sa grande difficulté pour retrouver l’amour dans son état. Un discours qui émut profondément Christian.


Avant de se coucher, Vincent lui proposa de boire un dernier verre dans sa chambre en lui rassurant sur le fait qu’il n’y avait aucune allusion homosexuelle derrière ça. Il tenait à lui faire goûter un alcool de chez lui, de la Bretagne, appelé la Godinette, un cocktail à base d’eau-de-vie, de muscadet et de fraise. En opération séduction, Christian ne pouvait refuser cette ultime invitation.


Dans la chambre, ils burent à leur santé, à la pérennité de l’hôtel et à l’avenir, l’ambiance était bon enfant. Quelques minutes plus tard, Christian fut pris d’un énorme mal de tête, il vomit immédiatement sans avoir eu le temps et la force de se rendre aux toilettes, transpirant et tremblant, il s’évanouit par terre.


Une dizaine de minutes plus tard, il ouvrit les yeux avec difficulté, il n’arrivait pas à se relever et se rendit compte qu’il était attaché sur le lit avec une corde et ses pieds et mains liés avec des menottes. Assis à côté de lui, sourire aux lèvres, Vincent le contemplait avec sadisme. Christian ne pouvait ni parler ni crier, sa bouche était lourdement scotchée, il était totalement immobilisé.


A ce moment là, Vincent montrait son vrai visage et raconta sa vie, sa véritable vie, loin d’une chute en escaladant une falaise mais beaucoup plus en rapport avec l’homme qu’il venait d’attacher. Un rafraîchissement de mémoire était nécessaire pour Christian. Il y a une quinzaine d’années, le 10 janvier 1991 plus précisément, âgé de 21 ans, au volant de son scooter, il fut victime d’un grave accident dans la périphérie de Tarbes, une voiture l’avait percuté à toute vitesse en grillant un feu rouge. Entre la vie et la mort, il fut plongé dans un coma qui aura duré cinq mois. A son réveil, après avoir perdu plusieurs mois de sa vie, il perdit également l’usage de ses jambes, condamné à vivre un cauchemar à perpétuité. Son bourreau n’était autre que Christian, condamné à une lourde amende et à une peine de prison avec sursis mais il s’en sortait sans séquelle physique.


Des jours et des mois à apprendre une nouvelle vie, une vie en fauteuil, une vie dans laquelle les amis disparaissent peu à peu, dans laquelle les filles vous regardent avec pitié et le regard gêné, une vie pleine de frustrations, dans laquelle le temps s’est arrêté. Son quotidien se résumait à vivre en couple avec la télévision, avec les jeux vidéos, loin de toute vie sociale. Le suicide, sa famille le détourna toujours de cette idée là.


Depuis l’accident, il n’arrivait plus à dormir convenablement, tourmenté et réveillé par cette scène de violence durant laquelle il avait perdu sa vie, ce traumatisme qui l’empêchait de passer à autre chose, d’espérer. Le nom du coupable était gravé dans sa tête et il savait éperdument qu’il le retrouverait tôt ou tard. Car Christian était passé à autre chose, à composer une famille avec une beau parcours professionnel, une vie pleine de réussites.


Vincent lui raconta être l’expéditeur des lettres qu’il avait reçu ces derniers mois et qu’il était maintenant l’heure qu’il paye réellement les dégâts qu’il avait causés. Il s’approcha de sa valise pour sortir une scie à métaux qui ne laissait aucun doute sur la justice qu’il comptait employer. Christian se rendit compte que sa vie lui échappait et essayait de se débattre violemment, hurla à travers le ruban de scotch mais il était solidement lié au lit. A vif, Vincent posa la scie sur sa jambe droite, le regarda en lui souriant et s’acharna à lui découper en ayant un mal fou à réussir à l’amputer, l’os résistait et il devait utiliser une petite hache qu’il avait pris par précaution, redoutant la difficulté de cette opération. Les draps étaient imbibés de sang, c’était une véritable boucherie dans la chambre n°27, les clients à côté ne se doutaient de rien, aucun bruit suspect ne s’échappait des murs. Après une quinzaine de minutes à lutter pour lui arracher ses jambes, Vincent réussit à se venger, son plan mûri depuis des années avait fonctionné. Christian succomba rapidement d’une hémorragie externe, il fut mort cul-de-jatte dans son hôtel. Cette vengeance il ne la dégusta qu’un court moment, affalé sur le lit, après avoir fini son ultime travail, il se trancha la gorge violemment avec la scie à métaux pour quitter ce monde le cœur léger. L’hôtel des Sœurs Papin ne s’est jamais relevé de cette histoire.


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L’histoire que vous venez de lire est totalement inventée, c’est une fiction écrite pour préserver la véritable identité du lieu.



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